Introduction : un choix qui n’est plus aussi évident
Pendant longtemps, la question du format d’image semblait évidente : le portrait pour photographier un visage, le paysage pour capturer un panorama. Cette logique intuitive – et étymologique – a structuré la photographie, la vidéo et même la peinture pendant des siècles. Pourtant, à l’ère des smartphones, des réseaux sociaux et des écrans orientables, cette distinction a volé en éclats.
Aujourd’hui, choisir entre vertical et horizontal n’est plus un simple réflexe, c’est un choix stratégique qui dépend du sujet, de l’usage, et surtout de l’écran sur lequel l’image sera vue. En tant que photographe professionnel, j’ai vu ces transformations s’imposer peu à peu, jusqu’à inverser certaines évidences. Voici un retour d’expérience, entre histoire, technique et usages concrets, pour vous aider à faire le bon choix de format.
Au sommaire :
Portrait vs Paysage : retour aux origines
Le format paysage (horizontal) est historiquement lié à l’art du panorama, hérité des tableaux classiques, des fresques murales et de la photographie de paysage. Il offre une lecture fluide, naturelle pour l’œil humain qui balaie l’horizon de gauche à droite. C’est aussi le format natif des écrans d’ordinateur, des téléviseurs, des appareils photo reflex et des caméras traditionnelles.
Le format portrait (vertical), lui, a toujours été associé à la représentation du corps humain. On l’adopte pour photographier une personne en pied, un modèle en studio, ou dessiner une silhouette dans sa hauteur. Dans les pratiques classiques, il était moins utilisé pour la vidéo ou pour le reportage, car il ne correspondait pas aux écrans de diffusion habituels.
Pendant très longtemps, cette répartition semblait immuable : paysage pour les paysages, portrait pour les portraits.

Les écrans ont tout bousculé : l’avènement du format vertical
L’explosion de l’usage mobile a complètement changé la donne. Les smartphones ont introduit une nouvelle norme : l’écran vertical tenu d’une seule main. Si tourner son téléphone à l’horizontale permettait à l’origine de voir les vidéos en plein écran, de plus en plus d’utilisateurs ont simplement cessé de le faire.
Par flemme, par habitude, par ergonomie aussi : le pouce scrolle verticalement, l’expérience utilisateur est pensée pour le format debout. C’est ainsi qu’Instagram, TikTok ou les Stories ont fait du format vertical un standard, d’abord pour les photos, puis pour les vidéos.
Ce qui était une hérésie pour les vidéastes il y a dix ans est devenu un réflexe naturel aujourd’hui. Et avec le temps, le vertical a révélé ses propres avantages visuels :
- une immersion plein écran sur mobile,
- une mise en valeur directe des sujets centrés (visage, silhouette, produit),
- un effet « close-up » qui donne de l’intimité à l’image.
Vertical : une hérésie devenue nouvelle norme en vidéo ?
La vidéo verticale était autrefois vue comme une erreur de débutant. Qui n’a jamais soupiré en voyant une vidéo filmée à la volée en 9:16 avec de grandes bandes noires sur les côtés ? Pourtant, les formats verticaux ont su conquérir leur légitimité.
TikTok a imposé ses codes, Instagram a suivi avec les Reels, et YouTube propose désormais les Shorts. La vidéo verticale n’est plus un pis-aller, c’est un langage visuel à part entière. Les créateurs y ont trouvé de nouveaux rythmes de cadrage, des effets de proximité, des compositions repensées.
On ne filme plus comme avant, et l’œil du spectateur s’y est habitué. Résultat : le vertical n’est plus une exception, mais un format à envisager dès la conception du tournage, surtout si la diffusion se fait principalement sur mobile.
La règle des tiers : un cadre qui transcende le format
Indépendamment de l’orientation, la règle des tiers reste un fondement en photo et vidéo. Elle consiste à diviser l’image en neuf zones égales en traçant deux lignes horizontales et deux lignes verticales. Les points d’intersection servent alors de repères pour placer les sujets d’intérêt.
En format paysage, cela permet par exemple de positionner l’horizon sur la ligne du tiers inférieur, ou un personnage sur le tiers gauche.
En portrait, cette règle s’adapte parfaitement : on place un visage sur le tiers supérieur, une main ou un détail sur une zone de force verticale. La composition reste reine, et c’est cette logique qui permet de travailler le regard du spectateur, quel que soit le format.
Format et usage : le vrai critère à considérer
Si le débat entre portrait et paysage reste vif, il faut reconnaître une chose : le bon format, c’est celui qui correspond à l’usage final. Voilà ce que j’explique systématiquement à mes clients, qu’ils soient agents immobiliers, designers, ou professionnels du yachting.
Shooting de portrait ou de mode : le vertical s’impose
Quand je photographie un modèle ou réalise une séance lifestyle, le format vertical est naturel. Il épouse la silhouette, crée une sensation de proximité et colle parfaitement à une consultation mobile. Aujourd’hui, une grande majorité des visuels issus de ce type de shooting seront diffusés sur smartphone, que ce soit en story, en post, ou sur un site responsive.
Le vertical devient donc non seulement esthétique, mais aussi fonctionnel.
Immobilier et architecture : le paysage reste roi
À l’inverse, en photographie immobilière, l’enjeu est souvent de montrer un volume, un espace, une pièce. Or pour cela, le format horizontal est plus efficace. Il permet de capter l’aménagement, la lumière, et d’intégrer plusieurs éléments architecturaux dans un seul plan.
De plus, les internautes qui recherchent un bien immobilier le font sur tablette ou ordinateur, depuis leur salon. Le format paysage s’adapte mieux à ces écrans larges, évite les bandes noires et permet une meilleure lecture de l’espace. Dans ce contexte, le vertical serait contre-productif.
Réseaux sociaux : TikTok et Instagram ont redéfini les règles
La logique mobile a réimposé ses propres codes. Un clip vertical sur TikTok aura un impact bien plus fort qu’un recadrage maladroit d’une vidéo paysage. Les carrousels Instagram privilégient les formats 4:5 verticaux pour occuper un maximum d’espace à l’écran.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de savoir si le vertical est valable, mais de choisir en fonction de la plateforme. Un même shooting peut ainsi donner lieu à plusieurs livrables, adaptés à YouTube, Instagram ou au site du client.
Les limites à ne pas oublier (bandes noires, recadrage, perte de lisibilité)
Adopter un format, c’est aussi accepter ses contraintes. Une vidéo verticale sur un écran horizontal (ordinateur, TV) crée deux grandes bandes noires de chaque côté. Résultat : perte d’impact, sensation de vide, image réduite.
À l’inverse, une photo paysage consultée sur smartphone sera vue en petit format, parfois avec un recadrage automatique peu flatteur. Le contenu devient moins lisible, moins immersif. Il faut donc anticiper ces effets, surtout si les images sont destinées à être projetées, imprimées, ou diffusées sur plusieurs supports.
Mon approche professionnelle : questionner avant de déclencher
Avec le temps, j’ai compris que la clé n’est pas de trancher entre portrait ou paysage, mais de poser la bonne question au client :
« Sur quel support allez-vous diffuser ces images ? À qui s’adressent-elles ? »
C’est en connaissant l’usage final, le support (smartphone, tablette, site web, écran géant), et la destination (réseaux sociaux, brochure, site vitrine) qu’on peut proposer le bon format dès la prise de vue.
Souvent, mes clients ne savent pas encore exactement ce qu’ils feront de leurs images. C’est là que mon rôle de photographe prend tout son sens : anticiper, orienter, proposer le format pertinent. Il m’arrive de doubler certaines prises pour fournir les deux versions, surtout si l’image doit servir à la fois pour une story Instagram et une visite virtuelle sur écran 16:9.
L’important, c’est d’éviter à tout prix les recadrages destructeurs, les contenus qui perdent leur force à l’écran, ou pire, qui donnent une impression de « bricolage ». Un photographe attentif et informé saura proposer le juste format au bon moment.
Conclusion : au-delà du format, penser à l’expérience de visionnage
Le format n’est pas qu’un choix esthétique, c’est un outil de narration et d’expérience utilisateur. Dans un monde où l’image circule d’un smartphone à un écran géant, où chaque plateforme a ses propres codes, la polyvalence devient un atout.
Plutôt que d’opposer le vertical et l’horizontal, il faut les penser comme deux écritures visuelles complémentaires, au service de votre message.
En tant que photographe, mon rôle est d’adapter chaque prise de vue à son usage, en tenant compte des supports, des formats de diffusion, et des attentes du public. Cette approche sur-mesure est ce qui transforme une simple photo en une image qui fonctionne, qui raconte, et qui touche.